Je mets un point d'honneur à choisir un titre pour illustrer chacun de mes articles de blog. Celui-ci a été un peu plus difficile. En effet, quand j'ai demandé à Mohammed* (j'ai changé son prénom en accord avec lui) si je pouvais rédiger un article sur ses conditions d'accueil en Allemagne, mon but était de souligner à quel point l'amour de son prochain est une lacune de notre société mais qu'il est possible d'y remédier.
"All you need is love" commence par les premières notes de la Marseillaise, comme si nous, les français, qui avons cette image des habitants du pays le plus romantique au monde, serions incapables de donner, ou plutôt recevoir : puisque c'est la triste réalité.
Je vais donc vous parler de Mohammed, un jeune Syrien de 21 ans, qui a été accueilli chez les parents d'un ami allemand. Je vous épargnerai toutes les raisons qui ont fait qu'il a dû quitter Alep, puisque vous vous en doutez, son pays est en guerre, et que mon but n'est pas de faire dans le pathos, mais plutôt de montrer que l'accueil d'immigrés fonctionne.
Comme je le disais précédemment, Mohammed est un Syrien de 21 ans, fin, joli garçon, qui aime rire (enfin qui feint de comprendre mes blagues donc c'est parfait), il ne porte pas de barbe, ni de djellaba ou de babouches (coucou les illustrateurs des journaux satiriques), il est musulman, il sent bon, il est propre. J'en rajoute des caisses mais l'image des migrants en France est tellement loin de Mohammed...
Mohammed est arrivé seul en Allemagne (une partie de sa famille est en Turquie, et une autre restée en Syrie). Je ne connais pas les raisons du choix de l'Allemagne pour Mohammed précisément, mais lorsque nous avons (péniblement, Mohammed ne parle pas Anglais, nous nous sommes débrouillés avec notre allemand -le sien étant bien meilleur que le mien, après un peu plus de 6 mois en Allemagne-) parlé de la France, Mohammed était un peu gêné de me dire que les musulmans n'avaient pas l'air d'être bien vus ici. Je lui ai dit qu'il avait raison, que ce pays voyait l'islamophobie envahir petit à petit chaque région de notre pays.
C'est aussi la raison qui me pousse à écrire cet article, ce que je lui ai dit, aussi.
En effet, quand j'étais petite, on ne nous parlait pas d'Arabes ni de musulmans ou de noirs, et pourtant je suis originaire d'une petite ville dont la région a accueilli de nombreux immigrés, d'abord des Harkis en 1962, puis des Turcs. La région était riche d'emplois dans l'industrie textile, la métallurgie et l'industrie automobile, et l'arrivée des ces immigrés était une chance pour la région.
Bien sûr il y avait du racisme latent, mais rien de comparable avec le sentiment de haine qu'on ressent aujourd'hui, certainement encore amplifié par les récents attentats commandités par ISIS.
Si on fait de l'histoire de comptoir de bistrot, il n'y a même pas besoin d'aller très loin pour se souvenir que, pendant la guerre, beaucoup de nos compatriotes (les plus aisés, comme les Syriens qui arrivent à quitter leur pays) avaient fuit le pays, ou pour certains, s'étaient rendus en zone non-occupée.
A 21 ans, tu ne subis pas une guerre que tu n'as pas choisie, tu as des rêves, tu veux réussir, t'amuser. Tu ne veux pas vivre la peur au ventre. Bref, tu veux être libre.
Et en Allemagne, l'accueil est réalisé dans d'excellentes conditions. En même temps, Mohammed ne pourra jamais demander la nationalité allemande puisqu'elle est régie par les droits du sang, et non du sol.
Mais comme nos gouvernants aiment prendre l'Allemagne comme pays de référence, allons-y.
Le hasard a fait que Mohammed ait été accueilli chez M. et K.
La maison de M. et K. est grande, ils ont même amménagé un studio indépendant, attenant à leur maison. L'état Allemand les dédommage de la location de l'appartement. En contrepartie, Mohammed doit apprendre l'Allemand, il a même des examens à passer (il devra obtenir le niveau A2, il passe actuellement le niveau A1).
S'il obtient ses examens, il pourra alors commencer un apprentissage et trouver un emploi.
La facilité du processus m'a totalement sidérée. Tout est très simple.
J'ai alors compris pourquoi les réfugiés ne choisissent pas la France. Quand ils obtiennent l'asile, ils n'ont alors pas le droit de travailler. Mais comment s'en sortir sans travailler ? Comment acheter sa nourriture ? Comment se loger ?
Je vois déjà un argument poindre : il y a suffisament de chômage en France, ne laissons pas "ces gens-là" nous prendre le pain de la bouche. Ah oui ? Vraiment ? Il n'y a pas eu de gros soucis de chômage en Allemagne ? Et quel pays s'en sort mieux que l'autre ?
Voilà, rien à voir. D'ailleurs, prenons l'exemple facile du manque de médecins qui, dans les dix ans à venir, sera un réel problème pour notre pays, principalement dans les campagnes. Un début de solution pourrait se trouver là, tout proche de nous.
Mohammed fait désormais partie intégrante de la famille de mon ami. Il a fêté Noël avec eux, part en voyage avec eux.
C'est d'ailleurs comme ça que je l'ai connu, il est venu avec le groupe des allemands à l'occasion de notre jumelage.
Ils ont ensuite poursuivi leurs vacances en Normandie, dans le Cotentin. Ils ont voulu visiter Jersey, et quand mon amie (bilingue français) a parlé de leur ami réfugié Syrien à la dame qui vendait les billets pour le bateau, cette dernière a ecarquillé les yeux, prise d'une sorte de panique. Ils ne savaient pas que Jersey n'était pas dans l'espace Shengen et que Mohammed n'avait pas la possibilité d'y aller avec son asile allemand.
Je garderai en mémoire la partie de foot sur la plage, les voir s'amuser ensemble dans l'eau de mer gelée, rire, vivre, tout simplement.
N'oublions pas que ce sont eux les victimes de la guerre, pas nous celles de les accueillir. Ils ont une richesse qui nous manque terriblement. L'amour.
Que la vie te soit douce, M.