Cette fois, je ne serai pas drôle.


Il y a une semaine aujourd’hui, un fou m’a agressé à Evreux. Il ne s’est quasiment rien passé, mais ça a remué des souvenirs en moi, et j’ai eu peur.
Comme ça fait longtemps que je souhaite écrire sur ce qui m’est arrivé il y a plus de deux ans, je franchis le pas, enfin.
Je ne veux pas qu’on me plaigne, mais que d’autres puissent trouver le courage de dénoncer les salauds de trous du cul dégénérés qui abusent de quelque manière que ce soit de nos corps.

C’est parti.

Comme souvent depuis quelques années, je souffre de cervicalgies, et je sais que je vais avoir besoin d’un ostéopathe pour soulager mon cou. Je demande donc conseil auprès de mon médecin, et balance aussi un tweet pour connaître quelqu’un de sérieux. Coïncidence : mon médecin et un twitto en qui j’ai confiance me conseillent la même personne. J’y vais donc les yeux fermés.
La première séance se passe bien, très classique, en sous-vêtements.
C’est à la seconde que tout se gâte.
Je suis de nouveau en sous-vêtements. Je me souviens parfaitement de l’ensemble que je portais ce jour-là. Un ensemble rayé rose pâle et blanc. Avec un peu de dentelle.
Pourquoi je m’en souviens ? Parce que quand tu es victime d’une agression sexuelle, tu te remets en question. Tu imagines que c’est peut-être ta faute. Alors est-ce que cet ensemble était trop affriolant ? Ça te paraît fou, mais je t’assure que quand tu es à la place de victime, tu culpabilises aussi.

Je ne vais pas revenir sur les détails. Il a “juste” massé un de mes seins pendant un massage. Je dis “juste” parce qu’il a su s’y prendre, semer le doute en moi, au point où je puisse m’imaginer que ça puisse faire partie de l’acte thérapeutique.
Je me souviens avoir payé, être sortie, et dans ma voiture m’être longuement questionnée.
J’en ai parlé sur twitter, à l’époque. Un Kiné m’a répondu clairement que c’était absolument sans intérêt, et interdit, aussi.

Ça y était. Le truc qui n’arrive qu’aux autres t’est arrivé à toi.

Bon. Ça sera sa parole contre la tienne donc tu mets ça d’un côté de ta tête et tu penses à autre chose. Après tout, c’était pas si grave.

Sauf que si. Quand 6 mois plus tard je cherche un nouvel ostéopathe pour les mêmes raisons, qu’on m’en conseille un et que je lui parle des soucis que j’ai eus avec cette ordure, et qu’il me dit avoir entendu beaucoup d’histoires sur cet énergumène, je fonds en larmes. Je ne suis pas la seule. Il s’en prendrait aussi à des mineures.

Chemine l’idée de porter plainte. Au bout de trois semaines, aidée d’un ami de l’époque, je me décide à y aller. Une chance, je suis prise en charge par une nana de la brigade des mœurs, géniale, adorable. J’avais tellement peur de ne pas être prise au sérieux pour une simple histoire de “pelotage”.

Hasard, une autre victime vient porter plainte très peu de temps après. Mêmes soucis, sauf que elle consultait pour son genou.
Une procédure peut donc commencer. Garde à vue pour lui. On nous propose une confrontation. Je refuse. Je ne suis pas prête à ça.

Après, évidemment, tu choisis un avocat, et tout s’enchaine.

Première instance, ça se passe bien, ils sont vraiment bienveillants avec nous, les deux victimes. Il morfle, 5 ans d’interdiction d’exercer, un an de prison ferme. Il fait appel.

L’appel. Un enfer.

Il faut s’y préparer. C’est hyper dur. Plus de bienveillance. Les faits, rien que les faits. Mon avocate me fait signe de ne pas m’inquiéter. Je fonds en larmes à la barre. Je me sens encore plus honteuse. Et l’autre qui nie tout, insinue que nous sommes des menteuses. Et son avocate qui explique notre plainte par une non-acceptation de nos corps.
Le point Godwin est atteint quand elle dit que elle, pour éviter tous les problèmes, ne consulte que des femmes.
Sous-entendus, tous les mecs sont potentiellement des tordus. Consternant.
Le jury est toujours aussi dur avec lui, il en prend plein la gueule. En plus il est récidiviste, il a même fait pire que ce qu’il nous a fait. Sa nonchalance lui joue des tours. Ce moment est très jouissif. Il en chie. Et il joue la carte du pathos avec sa gamine qu’il veut voir grandir. Ça, mon con, fallait y penser avant.


Au final, la peine est plus lourde, mais ce n’est pas fini puisqu’il se pourvoit en cassation.

Pour conclure, il faut faire ces démarches même si c’est dur. Parce que c’est vraiment une épreuve. J’en ai bien plus bavé de me déplacer aux audiences que d’avoir subi un tripotage.
Mais je suis fière de pouvoir dire que j’empêche ce mec de continuer ses dégueulasseries.